Shikoku
Kms | Ville | Hébergement | ||
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Tokushima | ||||
Naruto | Ichiban Monzen dori 080-2917-4321 | |||
1 | 17 | 17 | Kamiita | Morimotoya Henro House 088-672-3568 - T1 – T5 |
2 | 27 | 10 | Awa | M Okudaya (Henro House) 080-8721-5615 - T6 – T8 |
3 | 42 | 15 | Yoshinogawa | Oyado - T9 – T10 |
4 | 57 | 15 | Kamiyama | Sudachi-an 090-2677-8000 - T11 – T12 |
5 | 82 | 25 | Tokushima | R Urokorou 088-642-4337 - T13 – T16 |
6 | 104 | 22 | Komatsushima | Chiba 0885-33-1508 - T17 - T18 ( Near temple 18 ) |
7 | 126 | 22 | Sakamoto | Hôtel Fureai-no-sato 0885-44-2110 - T19 – T20 ( 20 km next to the path ) |
8 | 146 | 20 | Anan | Panda House 090-1573-6581 - T21 ( + rope way ) |
9 | 169 | 23 | Minami | GH Oyado Hiwasa 080-9830-3920 - T22 – T23 |
10 | 189 | 20 | Kaiyo | Hotel Kaizan-So 0884-73-1326 |
11 | 204 | 15 | Toyo | Taniguchi 0887-29-3417 |
Kōchi | ||||
12 | 219 | 15 | Muroto | M Tokomasu 0887-27-2475 |
13 | 239 | 20 | Muroto | M Urashima 0887-23-1105 - T24 – T25 ( Near temple 26 ) |
14 | 259 | 20 | Yasuda | M Tonohama 0887-38-8827 - T26 ( Front of temple 27 ) |
15 | 329 | 70 | Konan | Kiruku 0887-56-1985 - T27 – T28 ( + bus + train ) |
16 | 346 | 17 | Kōchi | GH Kacho Fugestu 0804-032-0101 - T29 - T30 |
17 | 366 | 20 | Kōchi | M Kochiya 088-841-3074 - T31 - T33 |
18 | 391 | 25 | Tosa | Hôtel Sanyo-so 088-856-0001 - T34 – T36 ( + ferry ) |
19 | 448 | 57 | Shimanto | Temple 37 0880-22-0376 - T37 ( + boat + train ) |
20 | 510 | 62 | Ōkinohama | Henros house 0880-82-8302 ( + train + bus ) |
21 | 555 | 45 | Ōkinohama | Henros house 0880-82-8302 - T38 ( + bus for the return ) |
22 | 580 | 25 | Sukumo | Manabe 0880-63-3408 - T39 ( + bus + hitchhiking ) |
Ehime | ||||
23 | 630 | 50 | Uwajimo | Hotel Oriental 895-23-2828 - T40 ( + train ) |
24 | 655 | 25 | Seiyo | GH Umeya 090-2892-1924 - T41 – T42 ( + bus ) |
25 | 735 | 80 | Matsuyama | Terminal Hotel 089-947-5388 - T43 ( + bus + train + train ) |
26 | 815 | 80 | Matsuyama | Terminal Hotel 089-947-5388 - T44 – T45 ( + bus + hitchhiking + bus ) |
27 | 835 | 20 | Matsuyama | Terminal Hotel 089-947-5388 - T46 - T51 ( + bus + tram ) |
28 | 860 | 25 | Matsuyama | Shiokaza Rider House 089-993-3199 - T52 - T53 |
29 | 885 | 25 | Imabari | Clement Inn 0898-55-8333 - T54 |
30 | 900 | 15 | Imabari | Temple 58 0896-55-2141 - T55 - T58 |
31 | 925 | 25 | Saijō | Oyado sukeya 090-1571-1911 - T59 |
32 | 950 | 25 | Saijō | Oyado sukeya 090-1571-1911 - T60 – T61 |
33 | 1000 | 50 | Shikoku-chuo | Onaru 0896-23-2122 - T62 – T64 ( + bus + bus ) |
Kagawa | ||||
34 | 1030 | 30 | Kanonji | Fujikawa R 0875-25-3548 - T65 ( + train ) |
35 | 1060 | 30 | Kanonji | Fujikawa R 0875-25-3548 - T66, T68 & T69 ( + bus + rope-way + taxi + bus ) |
Le pèlerinage des 88 temples de Shikoku surnommé le Compostelle japonais relie en boucle les 88 temples de la grande île au sud-ouest du Japon où Kobo Daishi (774-835) a approfondi sa connaissance du bouddhisme. Long de 1142 km, le chemin peut être parcouru en 40 à 50 jours à pied ou plus rapidement en utilisant des trains ou bus sur les sections les plus longues entre deux temples longeant parfois des routes fréquentées.
Le chemin est divisé en quatre zones correspondant aux quatre préfectures :
- Tokushima - le chemin du réveil spirituel, de 1 à 23
- Kochi - le chemin de la pratique ascétique, de 24 à 39
- Ehime - le chemin de l'illumination, de 40 à 65
- Kagawa - le chemin du nirvana, de 66 à 88
La saison la plus propice au pèlerinage s'étend de mars à mai, puis d'octobre à novembre. De décembre à février, la température peut baisser jusqu'à 0° et des vagues de froid soudaines recouvrent les zones montagneuses de neige et gèlent les routes pour les rendre impraticables.
Partir mi-février à mi-mars permettrait d'éviter les foules de la pleine saison tout en limitant les risques de grands froids en profitant du réchauffement climatique.
L'aiguille sur le petit orteil est censée me guérir définitivement de ma tendinite. Au bout d'une minute, l'affaire qui traînait depuis 12 mois, a été réglé. J'ai voulu peut-être mettre fin à ces piqûres d'aiguilles.
Petite hutte gratuite pour les Henros, les pèlerins sur le chemin des 88 temples de Shikoku. Nous laisserons nous tenter par ce confort minimal ? Aujourd'hui, la température a chuté de 10 degrés, ce n'est pas le bon jour.
Visites des temples 6 à 8 avec le même rituel. Un salut en se penchant en avant les mains jointes, l'entrée par le côté gauche, se laver les mains, sonner la cloche une fois, donner une étiquette de remerciements, visiter les lieux et passer au bureau pour les tampons en payant 300 yens. En partant, saluer une dernière fois.
Des vignes nippones avec une disposition étonnante des branches.
Non photographié, les bains douches publics de Gosho no Sato où on se récure, on s'immerge dans les bains chauds, on sue dans les saunas, le tout dans la tenue d'Adan. Manque de chance pour moi, le bain chaud extérieur m'a donné des vertiges, je suis tombé dans les pommes et j'ai été sauvé de la noyade par Chuck.
Indisposition par les saunas, manque d'un bon repas à midi, manque de sucré, sommeil perturbé par le coup de vent de cette nuit ? Après avoir fait le spectacle dans le bain public pendant une demi-heure avec un tas de spectateurs qui me choyaient avec des serviettes et de l'eau à boire, j'ai mis 2 h pour retrouver ma forme d'athlète olympique.
Séance de travail pour réserver nos étapes jusqu'à vendredi prochain avec Masota, notre hôte ce samedi soir.
Masota a fait partie d'une commission d'étude comparative entre les chemins de Compostelle et le tour des 88 temples de Shikoku, ce qui l'a amené en Europe et à Saint Jacques de Compostelle en particulier...
La maison d'hôte vient d'être terminée il y a 2 mois. Nous sommes parmi les premiers pèlerins à nous y arrêter.
Pour soulager mon sac à dos, j'abandonne mes sandales inutiles au Japon puisque qu'on nous propose systématiquement des chaussons. Par contre je conserve mon sac de couchage tout aussi inutile, mais j'y tiens trop.
Temple 12
Après une marche dans la montagne avec plusieurs dénivelés de 750 m, le temple 12 est un temple majeur sur le parcours ce qui lui permet de nous demander 500 yens au lieu de 300 habituellement.
Je commence à chanter les soûtras face au 'main temple' de chaque temple. Bien sûr, j'essaye aussi de faire chanter ultreïa à mon petit groupe, pas dans le temple, mais dans la forêt.
Dernier verre !
Judy souffre du genou. Au temple 12, elle a déclaré forfait et s'est fait emmener en voiture à l'hébergement par l'hébergeur. Elle abandonne. Demain, elle et son mari Chuck vont retrouver le confort d'un hôtel qui pourrait leur permettre de récupérer et de revenir sur le chemin plus tard. Comme moi, ils ont prévu de repartir du Japon le 22 mars.
Judy va nous manquer. D'origine italienne, elle est exubérante, relance toujours la bonne ambiance et trouve tout wonderfull. Elle forme un couple fusionnel avec Chuck qui était aussi un bon compagnon de route. Judy a créé un groupe WhatsApp Fabulous Four pour communiquer entre nous.
Je vais continuer avec Yasu le programme prévu jusqu'à vendredi qui devrait nous conduire jusqu'au temple 23 et à la fin du premier quart du chemin.
Dans la journée, j'ai rencontré Frédéric et Jean-Luc de Paris qui sont passionnés par la culture japonaise et qui font tous les ans des parties de ce chemin de Shikoku. Ils ont eu du mal sur la fin de la journée et ont trouvé une voiture pour arriver à l'hébergement.
Le gobelet est rempli d'un vin de Shikoku
Beaucoup de choses à voir sur le chemin. Le Henro est considéré comme en Espagne. De plus ici, la population offre souvent un petit cadeau qu'il ne faut pas refuser : des fruits, des petits gâteaux, des boissons... La convention est de donner en échange une étiquette de remerciement avec ses coordonnées. J'ai acheté un paquet d'étiquettes au départ, je les dépose dans des urnes des temples et les donne aussi pour remercier.
Dîner en tenue du soir.
Sur les 7 pèlerins de notre Henro House de ce matin, Yosu et moi sommes les seuls à être répartis à pied. Les autres sont partis dans la voiture de Tik notre hôte.
Judy et Chuck font un break de 5 jours dans la Guest House près du temple 23 réputée la plus jolie du tour de Shikoku en espérant que le genou de Judy aille mieux. Nous devrions les revoir vendredi.
Frédéric et Jean-Luc sont exténués et court-circuitent les 20 premiers kms de l'étape ainsi que Voila, une Japonaise de 20 ans.
Yosu s'est donné une limite de 20 kms par jour. Mais l'étape du jour commence par un raidillon et se prolonge sur 25 km avec 4 temples à visiter. Finalement la journée s'est bien passée. Et nous sommes arrivés à 17 h avec quelques gouttes de pluie à notre Henro House confortable. Yasu a pu m'initier aux rituels du bain japonais et à l'art de la table d'ici.
Le bain commence par une douche assise sur un petit tabouret pour bien se laver avec une bassine et de l'eau chaude. Bien lavé et rincé, on peut entrer dans le bain d'eau chaude pour se relaxer, éventuellement à plusieurs. Après le bain, la lessive. Une machine à laver et un sèche-linge me permettent de repartir avec du linge propre et sec.
Manger à la japonaise, c'est d'abord essayer de maîtriser les baguettes. L'ordre des plats n'a pas d'importance et il ne faut pas s'étonner si la soupe vient à la fin. Les aliments sont à tremper dans des sauces. J'apprécie les sushis, ces bouts de poissons crus. Les plats sont à consommer en passant de l'un à l'autre en fonction des envies. En général, la cuisine japonaise est bonne et ce soir elle est très bonne.
Ce matin, je me suis allégé de mon livre de présentation du Japon. Je pourrais aussi me défaire d'une partie de mes vêtements et même de mon pantalon de pyjama puisqu'une tenue de nuit est proposée systématiquement.
Henro house Urokorou near temple 18.
Jour 6, j'ai pris le rythme de la vie de Henro. Dans ma tenue de soirée, j'apprécie les petits plats proposés par notre hôte.
La journée de marche a commencé à 7h30. Nous sommes arrivés rapidement au temple 17. Après, c'était moins amusant puisque nous avons dû suivre des routes à grande circulation. Quelques rencontres avec une vieille dame qui nous a donné de l'argent, Mir qui nous a offert un jus de fruit et Aka un café avec un gâteau. Après 22 kms, nous avons pu visiter le temple 18 juste avant sa fermeture.
Demain, de la pluie est annoncée comme pour aujourd'hui. Comme elle n'est pas tombée aujourd'hui, j'espère passer entre les gouttes demain, sinon il faudra que je fasse avec.
Mon objectif de demain est le temple 20 qui se trouve en haut d'une montagne que je vais devoir gravir l'après-midi. Je vais laisser Yasu dans un bain public au pied de la grimpette.
Les Japonais que nous côtoyons sont sympas et dévoués, toujours prêts à nous aider avec le sourire. J'ai été dans un groupe depuis mon départ. Demain après-midi, je vais donc devoir tester ma capacité d'affronter seul les problématiques du pèlerin alors que la plupart des Japonais ne parlent pas l'anglais et que je ne connais que 4 mots comme aligato pour merci, konnichiva pour bonjour, konbanwa pour bonjour l'après-midi et Sayonara pour au revoir. Et pour l'instant, je ne comprends aucun des 1200 signes de l'alphabet japonais !
La salle de bain où on se douche à plusieurs. Savon et shampoing à disposition.
Jour 7 : je suis parti en avance, mais Yosu m'a rattrapé au temple 19. Après un café qui nous a été offert, je suis reparti seul avec pour objectif, atteindre le sommet du temple 20.
A midi, j'ai trouvé le restaurant Henro au pied de la montagne. J'ai mis du temps à comprendre qu'il fallait d'abord choisir et payer le menu à un automate. J'ai compris les prix, mais pas du tout le contenu des assiettes proposées écrit avec les signes japonais. Avec l'aide d'un client qui parlait un peu l'anglais, j'ai pris le même plat de pâtes que ma voisine.
Ma voisine d'un certain âge aurait bien voulu me faire la conversation. Mon konnichiva a dû être encourageant. Mais impossible de se comprendre davantage. Je lui ai montré la France sur Google Maps. Elle a eu des hochements de tête pas très convaincants.
La grimpette a été montée en 1h30 avec un peu de sueur, mais je n'étais pas épuisé. La préposée aux tampons de ma credentiale était inquiète pour ma nuit à venir. Malgré les outils de traduction sur son téléphone, j'ai mis du temps à lui faire comprendre que je maîtrisais la situation et que je n'avais pas besoin d'aide.
Comme il n'y a pas d'hébergement à côté du temple isolé, je suis obligé de redescendre la montagne par là où je suis venu. Pour cette nuit, la seule solution, c'est le petit hôtel Fureai-no-sato à 20 kms. Une voiture vient nous chercher. L'établissement est sympa avec un confort qui me permet de sécher toutes mes vêtements humides.
Demain, remontée au temple 20 en voiture, puis direction temple 21, puis 22 en terrain montagneux avec de la pluie.
Temple 21. Le domaine du temple est immense avec beaucoup de petits temples. Malheureusement, comme ailleurs, on ne peut pas rentrer dans les temples. Ce n'est que dans le bureau des tampons que nous pouvons récupérer un peu de chaleur.
Avec Tian Shu qui vient de Chengdu en Chine
Jour 8 : une voiture m'emmène jusqu'à mon dernier point de marche, le temple 20, juché sur le sommet d'une montagne. La descente à pied de l'autre côté est fastidieuse et glissante.
Dans la vallée, je retrouve Yamasen, un autre Henro, que j'ai vu à plusieurs reprises et à la même table hier soir. Il parle quelques mots d'anglais. Nous nous suivons dans la remontée laborieuse vers le temple 21.
Il est midi, il fait froid et humide. Tous les panneaux directionnels parlent en japonais. Je n'ai plus de réseau internet, Google Maps ne fonctionne plus. Je me résous à suivre aveuglément Yamasen qui se dirige vers un bâtiment où l'on nous offre d'emblée le thé. Nous nous installons sur des bancs pour déjeuner avec les boulettes de riz offertes par notre hôtel.
Yamasen me demande si j'ai acheté un ticket. Sans trop savoir pourquoi, j'achète donc un ticket. C'est ainsi que je me retrouve dans un téléphérique sans l'avoir voulu et qui m'emmène vers une destination inconnue. Il grimpe d'abord vers un autre sommet avec des vues sur un grand bouddha, des statues d'animaux. Puis le téléphérique plonge dans une vallée. Avec internet retrouvé, je réalise que ce téléphérique m'épargne la descente de la montagne, mais manque de chance pas du bon côté.
La suite n'est pas si drôle. L'après-midi est déjà bien entamée et nous sommes bien loin du temple 22. Nous tombons par hasard sur un arrêt de bus, un bus passera dans une heure. En s'avançant, nous nous faisons offrir un gâteau. Enfin, il est déjà 16h quand le bus m'arrête près d'un sentier montagneux qui me conduit en une heure et demie à mon hébergement Panda house où je retrouve Yasu qui s'est aussi avancé avec des transports. La maison est modeste et encombrée ce qui me permet de voir un intérieur plus commun qui offre comme partout une salle de bain avec une douche pour se laver et une baignoire pour se relaxer dans la même eau à tour de rôle. L'eau est trop chaude pour être un plaisir. Je dors dans un vrai lit, mais le kimono me manque.
Nous partageons la table avec Tian Shu qui a fait le projet de faire le chemin de Compostelle après avoir vu le film The way.
Demain, au temple 23, nous allons reconstituer les Fabulous Four avec Judy et Chuck !
Avec Yu, notre hôtesse qui parle parfaitement français
Jour 9
Yosu, mon compagnon de route, a décidé de rentrer chez lui pour problèmes médicaux de la nuit. Je perds un compagnon agréable et courageux. Il a des talents de prestidigitateur qui nous ont épatés. Il a fait le tour du Japon à vélo en 6 mois, il y a deux ans. A 80 ans, ses capacités se sont restreintes.
Au temple 21, j'ai la chance d'assister assis à une cérémonie dans le temple qui est ouvert pour l'occasion. Un moine récite des soûtras ponctués par des coup de cymbales.
Direction ensuite le Pacifique au sud. Je marche environ 25 kms dans le froid humide. Je suis persuadé de trouver de quoi me sustenter en route, mais non rien, pas même une orange. Dans mon sac, je retrouve un petit bout de fromage japonais appelé camembert et quelques biscuits. En arrivant à Minami, je commence par acheter des oranges et des gâteaux.
Je visite le temple 23, le dernier de la première partie. Je retrouve ensuite Judy et Chuck pour amorcer une nouvelle vie commune dans la vieille maison appartement à Philippe et Yu qui parlent français.
Nous sommes logés dans une vieille maison traditionnelle et charmante de plus de cent ans pour nous trois. Les pièces s'enchaînent avec des dénivelés d'une marche et sont séparées par des cloisons coulissantes. Au milieu du couloir, l'ancien foyer avec un feu à 3 pierres peut faire tomber si on ne fait pas attention. Le manque d'isolation nous fait sentir des courants d'air froid.
Avec Yoko qui vient de faire 47 kms dans la journée depuis le temple 22
Jour 10 : attaqué par un aigle
Nous sommes assis en train de déjeuner face à l'océan quand je reçois un coup sur le côté gauche de ma tête. Je suis un peu sonné me demandant ce qui peut bien se passer. Me tournant vers Chuck, il me montre le rapace qui s'éloigne et s'exclame devant le sang coulant sur ma joue.
L'aigle reprend son vol et plane au-dessus de nous. A-t-il été déséquilibré par une rafale de vent ou s'est-il intéressé à mon sandwich, à ma casquette, à mes lunettes ou était-il de mauvaise humeur parce que nous étions sur son territoire... ?
Je nettoie la blessure aux sanitaires tout proches et Judy me colle un sparadrap et nous voilà repartis pour une belle journée de 24 km.
De nouveaux cadeaux nous ont été donnés : une bouteille de thé, des bananes, des lanières fluorescentes. Enfin, une voiture s'arrête de l'autre côté de la route, le chauffeur descend et vient nous apporter du chocolat. Pourquoi tant de prévenances et de gentillesses ?
Au dîner ce soir à l'hôtel Kaizan-So, Judy me parle de son envie de rentrer chez elle. Après cette marche d'aujourd'hui, ses douleurs de genou ont repris et elle pense qu'il n'est plus possible pour elle de reprendre le chemin de Shikoku cette année. Je perds mes deux bons compagnons de route.
Je vais repenser le plan de mes étapes suivantes. Devant moi une soixantaine de kms jusqu'au temple 24 le long de la côte certes, mais aussi le long de la route que nous avons suivie en fin de parcours aujourd'hui. La tentation est grande de prendre le petit train côtier.
L'hôtel Kaizan-So bénéficie d'une position privilégiée sur un rocher en surplomb de la mer. Mais son confort date d'une autre époque, il n'y a pas eu de travaux de mise à jour. Le confort de la literie est minimum, pas de matelas, la salle d'eau n'a pas de robinet thermostatique comme partout ailleurs, les toilettes sont à la turque...
Le Pacifique à ma gauche
Jour 11 : la pluie
Pour affronter la bonne pluie de ce matin, j'ai coiffé mon sac à dos avec un sac poubelle ficelé avec une bannière fluorescente. Avec cet accoutrement, je suis bien protégé de la pluie qui dure toute la matinée. Cette année, j'ai fait l'impasse sur mon poncho qui pèse 350 g, en misant sur ma nouvelle veste qui est efficace.
La clochette sur le dos du sac est censée éloigner les ours, les serpents et les autres animaux sauvages en évitant de les surprendre. Elle est souvent accrochée au bâton. Pour être plus discrète, je l'ai fixée à la place de ma coquille Saint Jacques.
J'ai marché tout seul tout ce dimanche. Au coffee shop de 10 h, Ytoko était bien disposée et souriante envers le Henro tout dégoulinant. Elle m'a expliqué qu'elle avait aussi marché sur ce chemin. Yutaka est un pèlerin professionnel puisqu' il est sur les chemins depuis un an et demi. Aujourd'hui, il profite d'un abri précaire pour écrire des soûtras.
J'ai suivi la route qui longe la côte avec des tunnels, des ponts et la vue sur l'océan, les plages rocheuses, des surfeurs, des bateaux de pêche. Pas de bateaux de plaisance ni à voile, ni à moteur. La mer grise et hostile ne donne pas envie d'y plonger. Mais nous sommes au mois de février !
Je vois régulièrement des informations concernant les dispositions prises contre les tsunamis. Des flèches indiquent les endroits pour se réfugier avec la hauteur au-dessus du niveau de la mer.
La moitié des Japonais portent un masque type covid même quand ils sont seuls en voiture. Il est plus difficile de les comprendre car on ne voit pas leurs expressions. Ce masque est porté depuis longtemps, avant 2020. Il correspond au souci d'hygiène avec des habitudes bien différentes des Français. On enlève ses chaussures et on enfile des chaussons quand on rentre dans une maison. Pour entrer dans les toilettes, on change de chaussons. La soirée commence par une douche, puis un bain de relaxation et d'une autre douche. On enfile ensuite un kimono avec une veste de kimono...
Ce soir, je suis le seul Henro dans cette accueil pèlerins Taniguchi. La propriétaire a essayé de me faire la conversation pendant le dîner. Comme elle ne parle que le japonais, j'ai utilisé l'application Translate que j'ai trouvé sur mon smartphone pour échanger avec elle avec un certain succès. Elle pratique la pêche à pied sur la grève voisine, mais ne se baigne pas. Elle a déjà reçu quelques français.
Les menus japonais se ressemblent un peu tous. Ils contiennent du poisson cru, toute une série de légumes, parfois du poulet frit et pour terminer la soupe.
Sashimi : Queue jaune, Sériole du Japon (jeune), Poisson léopard
Nizaka : vivaneau rouge des grands fonds
Rame : chou chinois, épinards, kaki (kaki) cuisiné avec tofu & sésame
Nimono : Pomme de terre taro japonaise & Fleur Cardinal cuite au gingembre
Spécial :Salé & Vinaigré aux Citras Yuzu. Maquereau
Tempura : Chardon & calamar séché
Jour 12 : la peur du tsunami
Je scrute l'horizon pour détecter si une vague géante ne se dirige pas vers la côte. Je suis gagné par la psychose des tsunamis. Régulièrement, des panneaux m'informent de ce danger. Ils indiquent parfois la hauteur de l'endroit et la direction pour se mettre à l'abri soit sur une hauteur naturelle, soit sur un bâtiment construit à cette fin. Des murs sont construits en bord de mer et privent de la vue les maisons qui sont derrière.
Tous les ingrédients des repas japonais sont censés être avant tout bons pour la santé. Le plus souvent, ils sont présentés bruts et c'est au consommateur de faire l'assortiment avec des sauces qui lui convient. Ce matin, j'ai eu droit à un œuf cru à mélanger avec le riz en plus des ingrédients habituels.
Une croyance est un roc sur lequel on peut avancer
La comparaison entre la civilisation japonaise et française est un exercice intéressant. Ces deux pays ont un niveau de développement comparable, ont chacun une longue histoire, une culture sophistiquée et des niveaux de complexités équivalentes. Très éloignés les uns des autres géographiquement, ils ont été peu influencés entre eux par le passé. De nombreuses différences existent. L'hygiène, la nourriture, la façon de se comporter avec autrui, l'écriture, les croyances religieuses ... Étudier ces différences permet de prendre du recul par rapport à ses propres convictions. L'un aurait-il raison et pas l'autre. Y aurait-il différentes vérités ? L'uniformité serait ennuyeuse. Ces différences sont une grande richesse. Mais alors peut-on encore croire à quelque chose ? Seule solution à mon avis, la tolérance pour accepter que les autres détiennent aussi des vérités intéressantes.
Je suis hébergé à la Guest House Tokomasu, une des plus agréables sur le tour des 88 temples. De ma chambre, j'ai une vue sur l'océan. Et mon matelas pliable est bien épais.
Au dîner, nous sommes 7 clients dans la salle dont 3 Henros, Teiko, Jeff un Américain et moi. L'ambiance est bonne, la bière et le saké y contribuent peut-être. A côté de moi, Jeff, qui fait le tour à vélo, essaie de s'asseoir d'abord comme les Japonais, c'est à dire sur une chaise sans pied, puis sur un mini tabouret. Au bout de 10 mn, il jette l'éponge en demandant à s'asseoir sur une vraie chaise devant une vraie table. Les Japonais s'assoient sur les genoux pliés. Je connais mes limites et j'ai demandé tout de suite un mini tabouret sur lequel j'arrive à me tenir le temps d'un repas en étant presqu'à la même hauteur que les locaux.
J'ai quitté la préfecture de Tokushima et suis entré dans la préfecture de Kōchi. Demain 24 km avec une montée de 164 m et la visite des temples 24 et 25.
Temple 25
Jour 13 : j'ai retrouvé les temples
La matinée s'est passée à longer la mer avec quelques incursions dans les villages. Je n'ai pas trouvé de coffee shop ou de petit resto sur ma route. J'ai déjeuné devant la mer au cap Muroto avec quelques toasts que j'ai trouvé à l'entrée d'un centre aquatique.
Je suis content de retrouver des temples. Chaque temple a ses particularités. Comme sur le chemin de Compostelle, rajouter des tampons dans mon livre est un rite auquel je me plie volontiers.
Le temple 24 est perché sur une colline coiffant le cap Muroto.
Le temple 25 est situé près d'un port de pêche.
Ce soir, je dors au M Urashima qui m'a été indiqué par l'hôtesse de Tohumasu. Demain, je fais la grimpette jusqu'au temple 26, puis direction temple 27. En fonction de ma fatigue, je m'arrête au pied au M Tonohama comme Teiko ou je fais encore l'aller-retour avec une montée de 427 m !
En route pour Tonohama
Jour 14 : 25 km avec la montée au temple 26
Longue journée de marche commençant par la montée vers le temple 26. Des pièces de monnaie ont été posées dans l'escalier pour porter chance. J'en ai rajouté une. Le temple principal était ouvert. J'ai chanté avec mon carnet de soûtras.
Manque de chance, pour repartir, j'ai pris un escalier descendant et je me suis perdu pendant un bon quart d'heure. Heureusement que Google Maps était là pour m'aider parce beaucoup d'indications sur les panneaux sont seulement données en japonais.
Une dame à vélo se dirige vers moi et me donne 100 yens pour un thé. Puis vers midi, je reçois un repas complet. La magie de Shikoku ?
J'ai trouvé l'explication : la culture du Osettai, cette hospitalité des habitants qui s'exprime sous la forme de présents de nourriture aux pèlerins lors de leur passage. Dans le passé, quand il n'y avait pas de distributeur automatique, ni de supérette, l'aide des habitants permettait aux pèlerins de survivre. Du riz ou des vêtements étaient alors des présents de grande valeur. Ces actions de charité avaient pour contrepartie le fait que les pèlerins représentaient Kōbō Daishi et permettaient de représenter les habitants dans les temples éloignés pour faire les prières à leur place. Cette tradition de l'Osettai existe encore aujourd'hui.
A 16h30, je suis arrivé à mon étape au M Tonohama au pied du temple 27. Demain, j'ai 4 kms à grimper jusqu'au temple, puis à redescendre par le même chemin. J'envisage ensuite de prendre le train pour aller vers le temple suivant qui est à 35 kms le long de la route 55 à forte circulation et qu'il pleut l'après-midi. Jusqu'à présent, j'ai marché. Pour essayer de faire le tour complet des 88 temples, je vais accélérer sur les grandes sections sans temple avec le train ou le bus.
Pour demain soir, j'ai identifié une 'accommodation', mais pas encore réservé.
Sous la pluie
Jour 15 : le train
Je marche une vingtaine de kms et je me sers du bus et du train pour dépasser les sections pénibles longeant la route 55.
Ce matin, je mets 2 h pour monter au temple 27. J'y rencontre Ossi, un Autrichien qui fait le tour de Shikoku pour la 7ème fois en mode sportif. Peut-être le renverrai je demain soir ?
En descendant, je croise Chu, un Japonais qui est un Henro running. Il court donc au lieu de marcher, ce qui ne l'empêche pas de me chanter Oh Champs Elysées.
Sur l'heure de midi, je trouve un petit restau comme je les aime, avec de vraies personnes qui semblent contentes de m'accueillir.
Dans le train, à 8 km de mon arrivée, je décide de descendre. Il n'est pas 15 h, il ne pleut pas et j'ai envie d'arriver en marchant. A peine descendu, il se met à pleuvoir de cette bonne petite pluie qui ravit les agriculteurs et qui mouille bien la terre. Je presse ma marche pour ne pas finir en serpillière, mais j'arrive trempé au temple 28 et à mon hébergement Kuruku. La douche et le bain sont les bienvenus pour en ressortir en pyjama bien sec.
A partir d'ici, j'ai toute une série de temples qui vont se suivre jusqu'au 36. Mais c'est compliqué pour les hébergements et je vais probablement m'arrêter au temple 30 demain soir.
Shrine près du temple 30
Jour 16 : Chieko chante pour moi
Ce matin, j'ai eu un cadeau spécial de Chieko, ma logeuse. Pour moi, elle a chanté en s'accompagnant d'un synthé. Je lui avais demandé qui jouait sur l'instrument. Elle m'a répondu qu'elle compose de la musique en ses temps perdu. Elle est talentueuse, mais je n'ai pas compris les paroles. Elle est modeste et n'a pas voulu que je l'enregistre et au moment de faire un selfie ensemble, elle a remis son masque.
Au temple 29, j'ai rencontré Joanne qui vient de Sydney et qui m'aborde avec un 'Bonjour'. C'est elle qui a arrêté le train qui commençait à s'ébranler hier pour que je puisse monter. Parlant bien l'anglais, c'est agréable d'échanger avec elle sur les réalités du chemin.
Jour 17 : je suis remonté sur un bateau
Il fait froid aujourd'hui, je marche dans une ville le long de canaux, de routes et de zones maraîchères. Dans les jardins du temple 31, je retrouve Joanne toujours de bonne humeur. Et à midi, je la revoie encore au temple 32.
Je grignote ensuite quelques pâtes tout en marchant car il faut encore avancer de 10 kms jusqu'au temple 33. Mais à 2 kms du but, je tombe sur un grand mur avec une porte métallique fermée. Mais où suis-je donc ? Il y a bien un tableau d'affichage numérique, mais il est éteint. Je trouve des horaires de navette fluviale en papier sans saisir leur signification. Deux femmes arrivent et me renseignent avec le traducteur sur le smartphone. Je suis devant un point d'embarquement pour traverser un bras de mer.
Les grands murs ont été construits pour protéger la population des tsunamis. J'ai encore une demi-heure à attendre. Les deux femmes me font la conversation. Je comprends rapidement qu'elles font partie d'une secte qui veut me sauver, qui n'aime pas les temples et qui leur préfère le mont Fudji. Je suis désappointé par leur intolérance. De plus, quand je dis que je suis chrétien, je dois encore descendre de 3 étages dans leur estime pour moi. Enfin, je suis content quand la grande porte s'ouvre pour m'échapper dans le bateau.
La navigation très tranquille m'évite de passer sur un immense pont style pont de Saint-Nazaire. J'ai encore une demi-heure de marche pour atteindre le temple 33 et ma réservation M Kochiya où je retrouve Ossi, Ootani, un autre marcheur sportif qui est parti du temple 1 cinq jours après moi et 4 autres clients.
Demain, une étape de 30 km pour arriver devant le temple 36. J'ai réservé le petit déjeuner de 6 h pour pouvoir profiter le soir de Sanyo-so, un des meilleurs hébergements du tour.
Temple 36
Jour 18
Moins 1 degré m'attend à la sortie de l'hébergement. Bien couvert et sans vent, c'est agréable de sentir ce semblant d'hiver qui se dépêche avant l'arrivée du printemps. Ossi me propose de monter dans son taxi pour rejoindre le temple 34 ce qui me permet de redescendre à 25 kms de marche.
Après la visite du temple 34, la marche solitaire m'inspire des sujets métaphysiques. J'ai la tête dans les nuages et quand je sors du temple 35, je trouve encore le moyen de me perdre. Je dois faire des acrobaties pour revenir sur le bon chemin. Je revois Joanne avec plaisir. Elle fait maintenant partie de mes rencontres quotidiennes. D'ailleurs pendant ma pause du midi, elle me rattrape encore et nous marchons ensemble jusqu'au temple 36.
A l'hôtel Sanyo-so, je suis reçu comme un client de marque, le prix de la chambre oblige ! Je retrouve Ossi pour le dîner et c'est l'occasion d'évoquer la journée, les étapes futures et l'expérience qu'il a acquise en faisant pour la 7ème fois le tour complet des 88 temples. Et demain pour lui, le réveil sonne à 3h30, pour qu'il puisse relier le temple 37 qui est à 55 kms.
Après dîner, je teste le 'hot spring', bain d'eau chaude thermale. L'eau est légèrement trouble et serait dotée de vertus bénéfiques.
Pour moi, réveil à 5h45 pour que je puisse attraper un ferry qui parcourt les 10 premiers kms de cette étape vers le temple 37. Il ne me restera plus que 45 kms à parcourir à pied ou en train. Ok, j'aurai moins de mérites qu'Ossi.
Réflexions sur le divin
Le divin est l'ensemble des forces créatrices de la vie sur terre.
La probabilité pour que la vie sur terre arrive à ce stade de développement est infinitésimale.
Depuis longtemps, les hommes ont donc imaginé que des forces supérieures ont organisé cet assemblage de notre environnement.
L'homme étant l'être le plus sophistiqué, s'octroie le principal objet de ces forces créatrices, mais toutes les autres formes de vie animales, végétales et minérales sont concernées.
L'humanité a essayé de donner des visages à ces forces. Certains prophètes ont créés des religions.
Du fait de l'éloignement géographique de la France et du Japon, il est normal que les références soient différentes. Mais chaque religion peut contenir des messages complémentaires améliorant la vie sur terre.
Se référer seulement au hasard faisant bien les choses pour expliquer notre présence sur terre me paraît insatisfaisant.
Dîner au temple avec Fukuda et Joanne
Jour 19 : je dors dans le temple 37.
Aujourd'hui, j'ai retrouvé 3 autres Henros sur le bateau : Keito, Joanne et Ootani. Le bateau à moteur a zigzaguė entre 2 îles sur une dizaine de km dans la bonne direction. J'ai vu beaucoup d'installations aquacoles. Puis j'ai marché avec Joanne, les deux autres marchant beaucoup trop vite pour moi, jusqu'à la ville de Susaki où nous avons déniché un bon petit restau fréquenté par les gens du quartier. Soupe aux nouilles et au poisson. Nous avons eu le temps de visiter un petit temple qui se trouve sur une liste supplémentaire avant de prendre le train. Nous sommes descendus 5 kms avant la destination pour terminer en marchant.
Ossi de son côté est parti à 4 h du matin et a marché ces 55 kms jusqu'à 16h30. Bravo !
Dans le temple, j'ai commencé par recopier une page de soûtras. Il faut compter une heure, puis bain et repas. Après avoir décalé nos assiettes, nous avons étalé les cartes sur la table pour trouver un hébergement pour demain. En étudiant tous les paramètres, ce sera Ōkinohama.
Mais la journée commencera par une cérémonie dans le temple à 6 h !
Ōkinohama : Virginie, Joanne, Koba, Aki et moi
Jour 20 : la nuit dans le temple 37
Le temple 37 est illuminé la nuit. Les bâtiments sont mis en valeur par des jeux de lumières. Mais l'originalité de ce temple est la touche artistique. Ce soir, des bambous sont disposés au fond des marches de l'escalier principal. Les tiges sont percées et éclairées de l'intérieur. Plus loin un autre assemblage de bambous éclairés est disposé verticalement. Le tout confère au lieu une touche magique.
A 6 h ce matin, nous sommes à la cérémonie des prières matinales. Le moine officiant nous dit quelques paroles, puis s'installe pour chanter des soûtras rythmés par des clochettes qu'il tient dans la main droite. Pour de nouveaux soûtras, il tape sur une petite cloche. A tour de rôle, nous sommes invités à rajouter un peu d'encens à l'autel. L'officiant entame une dernière salve de soûtras couverte par le bruit des percussions sur un grand tambour digne d'un show artistique. D'abord des petits coups rapides, puis des coups plus forts jusqu'à des coups de toutes ses forces. Il termine en nous disant des mots de bienveillance pour la suite de notre chemin. J'admire encore le plafond décoré de multiples dessins qui font la renommée de ce temple.
Il est presque 7 h quand nous sortons pour aller prendre notre petit déjeuner servi par des religieuses. Aujourd'hui, il pleut à verse. Notre train est à 10 h. Nous pouvons encore profiter du cadre de ce beau temple accueillant.
A midi, notre train s'arrête à Shimanto réputé pour son pont. Joanne et moi marchons les 2 kms pour le mettre dans nos téléphones, puis retour avec un arrêt pâtisserie et une pause soupe aux nouilles. Un bus nous dépose 20 km plus loin pour que nous puissions marcher les derniers kms jusqu'à la maison des Henros de Ōkinohama. Je croise encore Chu, le running Henro, qui veut faire le tour en 25 jours. Aujourd'hui il est tout mouillé.
Au dîner, je fais connaissance de Virginie venant de la Belgique flamande et de deux japonais Aki et Koba. Ils ont tous des histoires intéressantes qui animent le repas. Demain, tout le monde part à pied pour 20 kms vers le temple 38 qui est le plus au sud de cette boucle avec une météo plus sèche. Ensuite, les chemins divergent pour remonter vers le nord-ouest. Je vais revenir à l'hébergement d'aujourd'hui ce qui me permettra de porter un sac allégé.
Dîner avec Akihiko, Joanne et Ootani
Jour 21 : la pointe sud de Shikoku
Tous les Henros du jour partent vers le temple 38 en ordre dispersé. Rapidement, un groupe homogène en vitesse se reforme avec Oshija, Aki, Joanne et moi. Nous prenons des vidéos sur les passages difficiles de rivière, pentes abruptes et une porte sans mur. Dans un petit abri de Henros, nous déjeunons avec nos boules de riz.
La pluie nous surprend quand nous arrivons à la pointe sud et au temple 38. Nous faisons une dernière pose devant la cavité en forme de cœur et Joanne et moi reprenons le bus pour revenir à notre point de départ.
Ce soir, autour de la table du dîner de Ōkinohama, je retrouve Ootani qui marche très vite ses 30 à 35 km par jour. Akahiko est une jeune japonaise qui roule à vélo en sens inverse. Nous échangeons nos bonnes références en anglais, mais aussi en français. Dormir dans le temple 37 sera une bonne solution pour elle.
De mon côté, je vais quitter la préfecture de Kōchi pour entrer dans la préfecture de Ehime. Je ne suis pas sûr à ce jour que j'arriverai à terminer le tour avec la quatrième et dernière préfecture de Kagawa dans les deux semaines qui me restent. Les étapes envisagées sont :
. Jeudi T39 Sukumo déjà réservé
. Vendredi T40 Uwajimo
. Samedi T41-43 Uchiko
. Dimanche-mardi T44-53 Matsuyama
Il me restera 8 jours.
Les 4 préfectures et les lieux de pratiques
. Tokushima, le réveil spirituel
. Kōchi, la pratique ascétique
. Ehime, l'illumination
. Kagawa, le Nirvana
En arrivant aujourd'hui à la pointe sud, j'ai eu cette impression d'arriver à un tournant dans mon voyage. Ce n'est pas le bout du bout de la terre comme à Fisterra à la fin du voyage vers Compostelle. C'est un virage pour découvrir des aspects différents en revenant vers une fin qui est proche du début et peut-être recommencer ainsi à tourner autour de cette roue qui ne veut plus s'arrêter. Comme le cycle de la vie qui passe de la naissance à la finitude pour mieux se réincarner... Sauf si on arrive à arrêter le cycle des réincarnations en atteignant le Nirvana au bout d'une vie sainte.
Ma crainte est que le Nirvana soit drôlement ennuyeux et pour l'instant, je préfère revenir sur terre pour revivre de belles vies et partager de bons moments avec des humains. Malgré les tribulations de notre humanité, la vie est quand même très belle !
Temple 39
Jour 22
Le chemin sillonne dans la campagne entre les reliefs, puis prends de l'altitude avec un sentier historique par la forêt. En redescendant, nous faisons la connaissance de Joram, un très jeune retraité suisse. A 14h30, nous trouvons enfin une table qui nous sert un mélange de légumes et de porc sur une plaque chauffante au milieu de la table.
Je marche exactement à la même vitesse que Joanne. Nous sommes souvent décalés, mais nous ne nous perdons pas de vue. Des douleurs de genou et tendons d'Achille la guettent et pourraient contrarier sa progression future.
Après la visite de temple 39, nous trouvons une voiture de visiteurs qui nous emmène sur les 7 derniers kms.
Je suis hébergé au Manabe à Sukumo. Joanne est partie dans un hôtel traditionnel. Au dîner, je suis le seul pèlerin. Les grandes tablées me manquent.
Certes, les petits plats sur ma table sont abondants et de bonne qualité. La chambre est confortable et est même dotée d'une salle de bain complète. Le wifi fonctionne parfaitement. Mais, le confort me laisse indifférent
Resto à Uwajimo avec Joanne et Joram
Jour 23 : je fais du stop
Un message de Joanne m'apprend qu'elle ne peut pas marcher aujourd'hui. Je m'élance donc tout seul sur un parcours montagneux qui marque la séparation entre les deux préfectures de Kōchi et de Ehime. Je double Yuko qui est impressionnée par ma montée rapide. Elle me retrouve au sommet où elle prend une pause photo avec moi.
Après ma marche de ce matin, il est 11h15 et je devrais rejoindre le temple 40 à midi, il est encore à 10 km. Arrivé à l'arrêt de bus, celui-ci vient de passer depuis un quart d'heure et le suivant passera dans une heure et demie. Que faire ? Je tente le stop en essayant une posture japonaise. Quelques voitures passent et chic, un petit van s'arrête. La conductrice n'a pas l'air de comprendre l'anglais, mais elle est toute de blanc vêtue. Je crois qu'elle a compris que je veux aller au temple. Et nous voilà en route.
Hiroyuki, ma conductrice est en fait la propriétaire de Kayo-chan House, une maison pour Henros entre le temple 45 et 46. Elle me guide dans le temple 40 qu'elle connaît bien. Je la suis dans les rituels propres à ce temple.
Sur le bâtiment côté droit, nous tournons dans le sens des aiguilles d'une montre en nous arrêtant sur chaque pierre gravée qui porte le numéro et le nom de chaque temple. Si on n'avait pas le temps, faire ce tour des 88 pierres gravées serait considéré comme étant l'équivalent d'un tour complet des 88 temples. Devant une série de bouddhas, il nous faut aussi verser de l'eau sur celui qui correspond à notre zodiac... Et encore une statue d'une grenouille avec ses petits sur son dos...
Je retrouve Joanne qui est venue par le bus et à qui je montre quelques particularités que je viens d'apprendre de Hiroyuki.
Dans le deuxième bus qui nous fait progresser de 40 kms vers le temple 41, nous retrouvons Joram que nous apprenons à mieux connaître.
En descendant du bus à Uwajimo, nous faisons l'expérience d'un déjeuner dans un supermarché. La qualité est convenable, mais décidément je préfère me faire servir par des personnes que par des machines.
Ce soir, l'hôtel Oriental de Uwajimo m'héberge dans le centre de cette cité moyenne au bord de la mer où sont mis en culture les huîtres perlières. Je ne ressors pas marcher jusqu'au château perché sur une colline, mais nous allons au restau à côté. J'ai choisi le pulpo en souvenir des plats que j'ai appréciés en Galice sur le chemin de Compostelle. Je fais la moue devant la version japonaise qui est crue et que je trouve caoutchouteuse. Heureusement qu'il y a le saké !
Avec Kyoko, notre logeuse
Jour 24 : pourquoi je me retrouve au poste de police avec Joanne ?
La journée commence pourtant normalement. Avec Joanne, je prends le bus pour visiter le temple 41. De là, nous avons quelques kms pour arriver au temple 42. Un comité d'accueil nous attend tout de jaune vêtu. Les membres sont tout sourire et nous encouragent à aller vers les lieux de dévotion. Au retour, le groupe nous remet un petit sac avec une mandarine et un gâteau et une tasse de thé et nous invite à nous installer dans la grande salle de réception du temple. Ce lieu d'exception nous irradie de ses bonnes ondes spirituelles. Je n'ai pas bien compris le rôle du groupe qui ne parlait pas l'anglais. Probablement des jeunes qui testaient leur capacité dans l'accueil.
Une rude montée nous attend maintenant avec des cordes sur la section la plus difficile. Nous devons aussi contourner un glissement de terrain avec une échelle. Enfin nous atteignons le sommet avec Yuchimi, un autre Henro japonais. Sur l'autre versant, le froid et une petite averse nous rattrapent. Nous sommes heureux d'atteindre notre hébergement. Mais il est encore fermé...
Enseignements du bouddhisme
1. Look upon others with kindness.
2. Smile to others when you meet.
3. Speak to others with kind words.
4. Offer to others those free services you are capable of offering.
5. Offer your heart to others.
6. Surrender your seat or similar location to those that could better use them.
7. Offer your own lodging to others in need.
1. Regardez les autres avec gentillesse.
2. Souriez aux autres lorsque vous vous rencontrez.
3. Parlez aux autres avec des mots gentils.
4. Offrez aux autres les services gratuits que vous êtes capable d'offrir.
5. Offrez votre cœur aux autres.
6. Remettez votre siège ou emplacement similaire à ceux qui pourraient mieux les utiliser.
7. Offrez votre propre logement à d’autres personnes dans le besoin.
Et pourquoi ne pas se mettre au chaud dans le poste de police juste à côté. Nous tirons la porte coulissante du poste : personne, mais une table basse et deux fauteuils, qui se font face, nous tendent les bras. Sans attendre, nous nous installons complices inconscients et sortons nos victuailles nous demandant comment réagiront les policiers quand ils s'apercevront de notre intrusion. Le temps passe. Tout d'un coup, du bruit arrive vers nous. Une porte s'ouvre et un policier apparaît...
Est-ce que notre stress est au maximum ? Je pense que chacun de nous deux est un peu étonné de se trouver ainsi pris en flagrant délit. Mais en même temps, nous nous sentons protégé par Kōbō Daichi avec notre veste blanche. Mais en fait, nous l'avons rangée pour ne pas la salir avec notre repas...
Le policier éclate de rire en nous voyant installé comme chez nous. Joanne qui parle un peu japonais, essaie bien d'expliquer que nous avons réservé la maison de Henros juste à côté, qu'elle est encore fermée, qu'il pleut, fait froid. Rien n'y fait.
Tout en continuant à rire, le policier va nous chercher du thé, nous fait la conversation et des plaisanteries autour de cette maison de Henros qui est la plus sûre du Japon puisqu'elle est collée au poste de police. Il accepte d'être sur une photo avec nous, puis il téléphone à la propriétaire et nous trouve une clé pour que nous puissions rentrer dans notre réservation. La maison est encore froide. Joanne et moi commençons déjà à regretter la douce chaleur du poste de police.
La maison Umeya est très agréable. Dans la grande salle, une belle cuisine, une grande table et une table basse. Kyoko, notre dévouée logeuse, prend tout son temps pour nous aider dans la programmation des jours suivants.
Jour 25 : dormir sous un pont
La journée commence pourtant normalement. Il fait froid, mais beau. Un programme sans stress m'attend. J'ai un hébergement réservé pour la prochaine nuit pas trop loin ce qui permettra de visiter le temple 43 et d'autres lieux de dévotion au bouddhisme. Mais cela ne va pas se dérouler comme prévu.
Le matin, la maison Umeya essaie de nous retenir par son charme. Tout est perfection. Sur la grande table, nous pouvons étaler les bons petits plats des repas. Le dessous de la table basse est chauffé. Mille petites attentions font le plaisir d'être ici. L'atmosphère est chaleureuse et tout est bien pensé pour le Henro. Et la bonne humeur de Joanne est un ravissement. Notre programme de la journée permet de profiter encore un peu de ce moment d'exception teinté de mélancolie avec le rapprochement de la fin du voyage. Nous laissons des écritures sur le journal de la maison et vérifions la qualité des prises de vue. L'épisode du poste de police ne nous a pas traumatisé !
A 9 h, Joanne et moi sommes enfin sur le chemin du temple 43 distant de 4 km où mon attention est attirée par des symboliques autour des arbres et des poissons. En prenant un sentier montagneux, nous arrivons à Unomachi pour prendre un bus. En l'attendant, nous changeons le programme de la journée en envisageant d'aller aujourd'hui au lieu de demain jusqu'à Matsuyama, la grande ville à partir de laquelle il est possible de visiter la dizaine des temples suivants. Pour cela, il faut annuler la réservation déjà prise, ce que je n'avais pas encore fait jusqu'à présent sur le chemin de Shikoku, et trouver un nouvel hébergement. Annuler une réservation est désagréable parce que l'hébergeur s'est organisé pour recevoir et qu'on a peut-être empêché quelqu'un d'autre de réserver. Enfin, c'est fait.
Réservé n'est pas facile pour moi parce que je ne parle pas japonais et que ma carte eSIM japonaise ne permet pas de téléphoner. A 17h passé, je commence à repérer les ponts pour en trouver un sans trop de courants d'air...
Mais revenons à cette après-midi. Objectif numéro 1 : rendre visite à Kōbō Daichi qui a dormi sous le pont Toyogabashi. Ce chemin des 88 temples existe parce que Kōbō Daichi (774-836), y a approfondi sa connaissance du bouddhisme et a fondé des temples autour de l'île de Shikoku. La légende raconte qu'il n'est pas mort et ne fait que dormir précisément sous ce pont qui est sous notre route. C'est pourquoi, il ne faut pas taper du bâton sur ce pont pour ne pas le réveiller. Par extension, le pèlerin qui est au courant, n'utilise pas ses bâtons de marche sur les ponts ! Nous lui rendons donc visite. Il est bien protégé du froid par des couvertures. Je seconde Joanne qui récite les soûtras. Dans la rivière sous ce pont, de nombreux poissons nagent en permanence comme pour tenir compagnie à Kōbō Daichi.
Pour l'instant tout va bien. Nous dégustons une soupe aux nouilles avec les baguettes. Comme le dit Joanne : you improve, but... Il y a encore des éclaboussures pour attraper ces nouilles qui glissent !
Deuxième objectif avec un petit trajet en train, tourisme à Uchiko, une petite ville typique avec de vieilles maisons et de vieux métiers. Nous nous arrêtons dans un coffee shop pour déguster un gâteau et un café en face d'un joli petit bassin d'eau résumant à lui seul l'art de vivre japonais. Un nouveau moment de sérénité qui ne devrait pas s'arrêter. Puis retour au train pour Matsuyama. Il est plus de 5 h et je ne sais pas encore où dormir.
Mon fils Vincent est plein de sollicitude quand je lui fais part de mon petit souci, que je cherche un pont sans trop de courants d'air. Mais Kōbō Daichi veille sur les Henros. En sortant de la gare, le terminal hôtel a encore une chambre 'fumeur'. Je ne fais pas la fine bouche et je la réserve pour deux nuits et suis bien content de pouvoir aller visiter dès demain matin les temples 44 et 45 avec Joanne, ma sympathique guide interprète sans laquelle tout serait plus compliqué pour moi.
Temple 45
Jour 26 : Dangers sur le chemin
Jimmy, Joanne et moi partons avec un sac allégé visiter les temples 44 et 45 avec un bus. L'arrêt le plus proche nous fait encore marcher une demi-heure, voir le double si on compte le détour que nous avons fait involontairement en admirant les belles présentations de poupées japonaises.
En sortant du temple 44, nous cherchons le bus pour aller au temple 45. Après vérification, le bus attendu passe de l'autre côté de la colline. Kimmy arrive à se rajouter dans un taxi.
Joanne et moi restons en panne. Naoko, une dame d'un certain âge a l'air de vouloir s'intéresser à notre sort. Elle conduit une petite voiture pour Monette, une Française qui prend beaucoup de photos avec un reflex et qui veut bien de nous en plus dans la voiture de Naoko.
Naoko ne perd pas de temps et enclenche les rapports vigoureusement et lance la voiture sur un chemin de terre sûre d'elle. Je souffre pour le véhicule qui frotte sur les talutages. Le chemin de terre se divise : à droite ou à gauche ? Elle part à gauche, puis s'arrête. Je consulte le GPS. La voiture est partie plein sud alors que la bonne direction est plein est. Il faut revenir au départ. Mais du temps du permis de Naoko, la marche arrière devait être optionnelle. Et pour nous aujourd'hui, le fossé est bien proche. C'est aussi compliqué quand un grand camion nous fait face. Nous devons sortir de la voiture pour la guider en arrière. Enfin, nous arrivons saufs au temple 45.
A la fin de la montée vers ce temple, une échelle nous attend encore pour grimper dans une caverne où nous rajoutons des pièces de monnaie dans les cavités de la roche. Pour Joanne qui est sensible au vertige, la descente est délicate. Nous marchons une petite partie du retour vers la grande ville, puis c'est le bus qui fait les 40 derniers kms vers le même hôtel que la veille.
Jour 27 : six d'un jour
6 temples sont au programme de la journée. Pour visiter un temple, il faut compter une demi-heure. Il faut ajouter le temps de marche entre les temples et la pause déjeuner. C'est une journée intense.
Chaque temple a ses particularités que nous essayons de capter. Je prends des photos. Joanne réussit bien les vidéos qu'elle présente sur Instagram.
Nous arrivons au dernier temple de la journée à 16 h. La visite se prolonge ici dans une galerie d'une caverne de 200 m de long. Dans l'obscurité, en voulant éviter de taper de la tête, je me cogne violemment avec mon tibia droit. Je suis sonné et le sang rougit mon pantalon. Mais à 17 h, nous voulons encore voir de près le Dōgo Onsen, les bains douches saunas qui utilisent de l'eau thermale depuis 30 siècles et qui font la réputation de la ville. Pour entrer, il faut avoir réservé. Nous nous contentons d'un bain de pied à l'extérieur avec de l'eau chaude qui vient des profondeurs de la terre.
Avec ma logeuse au Shiokaza Rider House
Jour 28 : temples 52 et 53
Sorti de l'hôtel Terminal à 7 h, je traverse la grande ville de Matsuyama avec une circulation dense de voitures, piétons, vélos, bus et tramways. Joanne m'envoie un message pour me rejoindre avant de partir de son hébergement. Je suis devant elle pendant un km sans me rendre compte qu'elle essaie de marcher à la limite de ses capacités pour me rattraper. Les marcheurs qui avancent à la même vitesse ne se rencontrent plus quand ils sont séparés. Comme les droites parallèles qui ne se rejoignent jamais. Enfin réunis, Wada Hideo, un Henro japonais se joint à nous et arrivé au temple 52, Kimmy finit de compléter l'équipe.
Après un tour complet il y a 10 ans, Wada refait quelques sections à 77 ans. Il suit les rituels dans les règles. Joanne récite les soûtras avec lui. Il est plein de sollicitude et nous offre des osettais, ces petits cadeaux qui réchauffent le cœur. En principe, ce sont les habitants qui ne font pas le pèlerinage qui offrent des osettais. Mais plusieurs pèlerins sur ma route m'ont aussi offert des osettais. Un bonbon, un petit montage en papier, un message. Je leur donne l'étiquette de remerciement datée avec mon nom et j''essaie de leur rendre un autre cadeau, un chocolat, un petit gâteau. Wada me donne aussi une petite clochette qui vient fièrement seconder celle qui est sur le dos de mon sac et m'écrit un message :
Sourire toujours et dire bonjour
Au temple 53, c'est la séparation. Joanne et Kimmy retournent vers les transports publics tandis que Wada et moi partons à pied sur le chemin du pèlerinage. A midi, un restaurant nous sert un menu japonais. Arrivé à 15 h à mon étape, je décide de m'avancer jusqu'au bourg suivant où Wada prend un train. Je reviens en arrière en bus avec le projet de repartir en bus demain matin le long de ma marche supplémentaire d'aujourd'hui.
Mon hébergement est une maison tranquille dans son jus où je suis le seul client. La propriétaire est serviable et je vois aussi sa grand-mère. La maison doit appartenir à la famille depuis longtemps et est maintenant utilisée entièrement pour accueillir les 'riders' sur des motos et les marcheurs. Je dispose d'une grande chambre pouvant accueillir 4 personnes, d'une cuisine salle à manger, d'une salle de bain et d'un lieu d'aisance confortable avec lunette chauffée et autres lances d'arrosage. Ce soir, la maison mal isolée est fraîche et proche de la température extérieure, environ 10 degrés. J'essaie de créer un peu de chaleur, mais je préfère aller au restaurant chinois qui est à côté pour être bien au chaud.
Demain, une marche de 30 kms m'attend jusqu'aux temples 54 et 55 et je devrais retrouver Joanne qui sera accompagnée par son amie japonaise. Vendredi soir, l'hébergement au temple 58 Senyos pourrait être un moment privilégié. Je pourrais atteindre le temple 66 mercredi 20 mars et me diriger ensuite vers Osaka pour prendre l'avion de retour vers Paris que j'ai quitté le 10 janvier.
Jour 29
La journée a commencé à 6 h. Déjeuner, puis un trajet en bus pour revenir au point que j'avais atteint hier. La marche passe d'abord par une colline, puis longe la mer. A 13 h, je grignote sur la plage, puis je continue d'avaler les kms jusqu'au temple 54. Je m'arrête au Clément Inn à Imabari après 5 km de bus et 25 km de marche. Je retrouve Joanne pour un apéro en libre-service dans le hall de l'hôtel et un dîner dans un resto thaïlandais de viandes. Une escalade de bières, du vin blanc, puis du rouge et enfin du whisky on the rocks. L'abus d'alcool est dangereux !
Raffinement fondamental
Ce problème qui nous concerne tous prend une importance particulière au Japon. Je brise le tabou sur les toilettes japonaises. Tout étranger arrivant pour la première fois au Japon est interpelé, voire méfiant par la sophistication des lieux d'aisance. Au Japon, on a l'impression d'être surveillé dans les moindres faits et gestes dans cet endroit justement où on veut être tranquille.
Première obligation, enfiler les chaussons spéciales toilettes. Il est souvent rappelé qu'il est défendu de faire pipi debout sauf dans les urinoirs bien sûr. Dès qu'on s'assoit, une machinerie bruyante commence à comploter. A côté du trône, une télécommande permet de lancer des opérations de nettoyage du fondement. Avec l'habitude, si on ne touche pas aux boutons, on s'en sort indemne comme en occident tout en bénéficiant d'une lunette chauffée. Mais en appuyant sur un premier bouton, un moteur se met en route, une lance d'arrosage émerge et on a droit à un nettoyage ciblé 'fesse'. Un autre bouton lance un lavage 'bidet' pour les dames. Le tout peut-être ajusté en puissance avec des boutons plus et moins fort. Enfin il y a un bouton stop pour arrêter le travail. La première fois, ça surprend et on l'impression de se retrouver bébé en train d'être nettoyé par un tiers indécemment. Bien sûr, quand on se lève, d'autres opérations de nettoyage de la cuvette se passent dans notre dos. Et sur certains, l'eau se met à couler dans un petit lavabo sur le réservoir. Comble de la sophistication sur quelques-uns, dès qu'on arrive, le couvercle se lève comme pour souhaiter la bienvenue et des lumières tamisées éclairent l'intérieur de la cuvette. J'espère qu'il n'y a pas encore de connexion internet pour transmettre l'historique des opérations. Probablement un jour, des caméras et l'intelligence artificielle s'en mêleront.
Tous les temples disposent de toilettes à l'entrée et j'ai vu une des plus sophistiquées dans le temple 37. J'ai aussi vu des toilettes turques appelées curieusement japanese toilets par opposition aux western toilets que j'ai présentées ici comme les toilettes japonaises.
Ce progrès de l'hygiène corporelle saura-t-il conquérir l'occident et vaincre nos résistances psychologiques ? J'avoue que le premier mois, je les ai regardés avec méfiance jusqu'à ce que j'ose m'en servir comme les gens du pays.
Point faible, le bilan énergétique serait défavorable et incompatible avec nos ambitions écologiques. Ce luxe hygiénique convient à ce pays qui dispose de beaucoup d'eau.
Voilà donc des réalités sur les raffinements de Toto, le plus grand fabricant de sanitaires du Japon
Mikako, moi, Stéphanie, François et Joanne autour de la table du dîner
Jour 30 : Sans connexion internet
Vendredi 15 mars
En sortant de l'hôtel, je constate que je n'ai plus internet sur mon téléphone. La carte eSIM vient d'expirer. J'avais pris l'abonnement le plus long disponible qui est limité à 31 jours. Je vais devoir apprendre à vivre sans internet.
Sur Google Maps, j'ai perdu l'itinéraire à suivre qui était si pratique. Il faut maintenant que je me serve de mon guide papier pour trouver mon chemin. Et je ne peux plus traduire les indications en japonais avec Google translate.
A mon étape du soir, j'espérais pouvoir bénéficier du wifi. Mais pas de wifi.
Pendant cette journée, je n'ai pas été gêné. Mais j'ai dû compter sur les autres pour dénicher un restaurant pour le déjeuner. Ce soir, par contre, impossible de voir Martine par WhatsApp. Il a fallu passer par le téléphone classique qui est une solution onéreuse au Japon.
Ce matin, en arrivant au temple 55, je revois Joanne qui est maintenant accompagnée de son amie japonaise Mikako. Je vais les revoir aux temples 56 et 57. Il est midi. Elles dénichent un petit restau japonais en faisant un petit détour et m'embarquent avec elles.
Nous montons ensemble vers le temple 58 qui nous héberge. Le site est grandiose avec une vue sur la ville, la mer et les îles plantées dans l'eau. Mikako est aussi une bonne et belle actrice dans un rôle de sonneuse de cloche.
Une équipe d'archéologues mène des fouilles dans un trou de 4 m de profondeur et extraient de la vaisselle et des tuiles vieilles de mille ans. En faisant un tour avant dîner, je suis surpris de voir le trou déjà refermé et damé laissant à peine deviner l'emplacement du creusement.
Le temple fermé, la tranquillité et les derniers rayons de soleil lui confèrent une atmosphère sereine et propice à la méditation. Je retrouve cette impression que j'ai sur les îles à l'heure des touristes partis. Je ne suis plus un passant, je fais partie du lieu, je côtoie ceux qui y habitent et le font vivre. Je redécouvre les vieux bâtiments sous de nouveaux angles. Le calme troublé seulement par le chant des oiseaux, augmente la dimension spirituelle du lieu sacré.
Au sous-sol, un hot spring, un bain japonais de 4x3 m et de la place pour que six personnes puissent se doucher assises côte à côte. Mais pas de machine à laver sur ce sommet de la montagne. Mes vêtements n'ont pas vu la lessive depuis plusieurs jours, ma toge blanche ne l'est plus tout à fait.
Au réfectoire, je rencontre François Billion Grand et Stéphanie, sa compagne qui viennent de Grenoble. François est guide officiel du pèlerinage de Shikoku qu'il a parcouru à plusieurs reprises. Cette fois ci, ils font le tour à l'envers. Ils marchaient avec un breton qui s'est effondré dans une montée. Hospitalité, celui-ci va être rapatrié.
François a pèleriné le long de la Via Francigena vers Rome en compagnie d'Anthony Grouard et d'Anne-Laure Timmel qui m'ont aidé dans la préparation du chemin du Littoral que j'ai suivi en 2022.
François nous indique des solutions pour nos prochaines étapes et des stratégies pour atteindre les temples 65 et 66 juchés sur des montagnes avec des pentes raides et difficiles. Contacté, le refuge bien placé est complet. Ce dernier sommet que Joanne voulait faire avec moi s'éloigne.
Chacun dort dans une petite chambre monacale. Sur une table, un thermos de thé, une tasse, un petit gâteau et le livre The teaching of Buddha en anglais et en japonais qui contient beaucoup de sagesses à approfondir. Demain, il faudra être au temple principal à 6 h pour les prières du matin.
Temple 59, les pèlerins appliquent leurs mains sur toutes les faces de ce grand vase en forme d'œuf
Jour 31
Au lever du soleil, le maître du temple revêtu des habits de cérémonie bleus et jaunes nous accueille avec le même sourire que le Dalaï-lama. Il demande à chacun son pays d'origine et parle beaucoup, mais en japonais. Il évoque spontanément le voyage qu'il a fait à Compostelle il y a quelques années.
Premier rituel, nous nous frottons les mains avec une poudre de gingembre. Pendant que nous nous asseyons, il s'installe dans l'autel et commence la récitation des soûtras. Puis il accompagne le chant avec la frappe sur des baguettes. Enfin, il assène quelques coups vigoureux sur un grand bol métallique qui résonne longtemps. Nous repassons devant l'autel pour déposer de la cendre.
Il revient vers nous et nous entretient de sujets qui lui tiennent à cœur. Je comprends qu'il parle de l'Ukraine, de l'absurdité de la guerre, qu'il a 75 ans, qu'il a eu un cancer, qu'il travaille 15 h par jour, que sa femme est décédée il y a 10 ans. Son message principal, la question que chacun doit se poser :
Quelles sont mes raisons de vivre ?
Quand on a répondu à cette question, tout doit aller mieux. Pendant le petit déjeuner, il réapparaît en tenue de travailleur un bonnet enfoncé sur la tête prêt à partir travailler aux champs d'orangers. Je me pose encore de nombreuses questions à son sujet et sur le fonctionnement de ce temple que nous voyons de l'intérieur. J'ai eu l'impression qu'il s'adressait plus particulièrement à Mikako qui était assise juste en face de lui et qui comprend la langue. J'essaierai d'en savoir plus par mail avec elle.
En prévision de la fraîcheur dans le temple, j'avais enfilé 6 épaisseurs de vêtements. Je me suis retrouvée assis juste à côté du poêle à gaz efficace, mais bruyant. J'aurais bien voulu enlever 3 épaisseurs, mais la solennité du moment m'a contraint à accepter de transpirer en silence.
Sac sur le dos, je me sépare de mes amis pèlerins qui ont d'autres directions pour une journée de marche solitaire qui commence par le temple 59. A midi, je m'arrête dans un coffee shop pour déjeuner. Sur la carte, les plats sont écrits en japonais et comme je n'ai plus de connexion internet, je ne peux pas traduire le menu. Je veux commander la même chose que mon voisin. La serveuse fait une croix avec ses bras et m'indique les autres choix encore disponibles. Je suis contraint de choisir une ligne au hasard. La serveuse m'apporte un plateau avec du riz, du maïs, des légumes et du thé.
De retour sur le chemin, j'essaie de faire attention au fléchage tout en contrôlant ma direction avec mon guide papier. Les flèches sont parfois effacées avec le temps et sont irrégulières. Quand je n'en vois plus, je me dis qu'elles devraient réapparaître plus tard. En fait, j'ai perdu le chemin et n'ai pas envie de revenir en arrière. Je fais un détour désagréable à cause de la fatigue inutile.
Arrivé en ville, je me mets en quête d'une nouvelle carte eSIM. Dans un magasin de téléphones mobiles, le vendeur me renvoie sur un site internet. Profitant du wifi de la boutique, je galère pour acheter et configurer une nouvelle connexion internet qui simplifie ma vie au Japon.
La dame de mon hébergement est sympa. Elle vient me chercher en voiture, me lave mon linge et me propose de me conduire demain matin au pied du mont du T 60.
Jour 32 : Le T 60 par la face nord
Le T 60 tutoie le Mont Blanc par sa réputation de difficulté, surtout les 400 derniers mètres qui se rapprochent de la verticale. Je vais l'attaquer par la face nord. Tel est le programme de ce matin quand je m'approche des sommets enneigés dans la voiture de Naoko ma sympathique logeuse qui m'évite de marcher 10 kms en ville.
Mes clochettes bien arrimées, je me lance dans le sentier damé par des millions de pas. Le chemin enjambe sans cesse le torrent qui se fraye un passage entre les rochers. L'eau est pressée de rejoindre la mer pour retrouver la très grande famille des gouttes d'eau.
Monter vers ce temple de bon matin dégage une impression de rapprochement du divin. J'entends déjà la cloche qui résonne à chaque arrivée de pèlerin. Tout en haut, je retrouve Joanne et Mikako ainsi que Mika, une autre pèlerine que nous croisons pour la troisième fois et qui sont arrivées par d'autre chemins.
Après la photo de groupe, comme il doit pleuvoir, tous pensent déjà au retour. Je traîne, puis je redescends aussi par le sentier qui va vers le temple 61. Sur un rocher glissant, mon pied droit dérape et cette fois-ci, les bâtons ne m'évitent pas la chute. Déséquilibré, mon corps part en arrière pour aller taper sur le rocher. En un instant, je refais en accéléré le tour de ma vie : ma première dent, mon ours en peluche, mon premier vélo de course, la rencontre de Martine, la naissance des enfants... Et paf, je suis tombé sur le dos. Ma main gauche gémit. Mais sinon je suis tout étonné de ne pas avoir mal ailleurs. Allongé, je mets quelques instants à réaliser ce qui vient de se passer ? Par quel miracle, n'ai-je pas eu de blessures au dos ? Kōbō Daishi veuille sur les Henros de Shikoku.
Mon sac à dos Osprey Exos 38 a fait office de matelas de réception. Il est équipé d'un 'dos ventilé' avec un filet tendu. Cet espace de 3 cm entre mon dos et le sac a dû absorber le choc.
A l'abri suivant, je m'arrête pour bien récupérer et éviter sur le sur-accident, l'enchaînement qui peut se produire quand on ne tient pas compte des causes d'un premier choc. Je sors du sac le déjeuner avec les boules de riz préparées par Naoko ma logeuse.
Arrivé au temple 61, toutes mes amies pèlerines sont parties en train. Ce temple est très différent des autres. Je n'étais pas sûr d'être au bon endroit en voyant une forme de grand immeuble. Les bâtiments sont neufs et dimensionnés pour accueillir un public nombreux. Je peux visiter l'intérieur équipé de sièges confortables et voir de près le grand autel richement décoré de dorures. Au centre, le grand Bouddha doré est assis en lotus.
Une pluie battante m'attend maintenant pour les 6 derniers kms. Un bon test pour ma veste de pluie. Ma toge blanche et mon pantalon sont trempés. Je dois trouver des toitures pour consulter régulièrement la carte sur mon téléphone.
Le soir, je partage le dîner végétarien avec un couple de pèlerins japonais qui marchent depuis 3 jours dans le sens inverse.
Ōnaru avec Kariya-san et Joanne
Jour 33 : La gentillesse de Naoko
Naoko est la gentillesse même. Elle se démène pour prévenir tous mes besoins de nourriture, de lessive et de transport sans que je ne lui demande rien. C'est presque gênant, un simple billet de remerciement est insuffisant pour lui exprimer toute ma gratitude.
Elle est aussi un moulin à paroles. Elle doit avoir 50000 mots à dire par jour. Pas besoin que je comprenne, elle se lance dans des explications longues et doit croire que je comprends l'essentiel. Mais attention aux malentendus. Ce matin, j'ai compris qu'elle veut m'avancer jusqu'au Temple 62. A 7h45, je suis dehors comme j'ai compris : personne. J'attends jusqu'à 8 h pour pouvoir au moins lui dire au revoir. Elle est probablement partie conduire le couple de pèlerins japonais avec qui j'ai encore pris le petit déjeuner. A contrecœur, je pars sans la remercier de vive voix.
Chargé avec les lourdes provisions de Naoko, j'enchaîne les temples 62, 63 et 64 dans la matinée, puis je profite du site du dernier temple 64 pour mon pique-nique. De grands arbres avec des bassins où l'eau ruisselle, des bancs, des sanitaires dans un site tranquille avec l'animation du défilé de pèlerins et une douce chaleur printanière : que souhaiter de mieux. J'ai envie de prolonger ce moment.
Quand je consulte les horaires des transports publics sur Google Maps, je rate le train, mais j'ai un bus tout de suite. Je ne suis pas un as de Gmaps. Je n'ai pas compris qu'il fallait changer de bus ensuite. Je suis maintenant dans un bus qui va vers une destination inconnue que je surveille avec le GPS. Inutile de demander à mes voisins. Ils voudront m'aider, mais ne comprendront jamais ce que je veux. Je m'obstine dans ce bus qui arrive finalement à un terminus très écarté de ma trajectoire. Avec une nouvelle requête Gmaps, je repère un autre bus direct dans une heure. J'en profite pour marcher le long de cette ligne dans un cadre urbanisé.
Le soir, mon téléphone connecté me permet de trouver l'hébergement Ōnaru, propre, confortable dans le style japonais. Sans connexion internet, cette journée aurait été compliquée pour trouver mon itinéraire et l'horaire des bus. Je ne serais pas arrivé à ma destination. La connexion est donc indispensable pour moi.
Je retrouve Joanne qui va m'accompagner sur les deux jours de marche. Au dîner, nous faisons connaissance de Kariya-san qui est un ami d'Ossi. Ils sont de grands sportifs prêts à enchaîner des étapes de 40 kms. Kariya-san à 74 ans en est à son quinzième tour de Shikoku et marche encore plus vite qu'Ossi. Nous les retrouverons à l'hébergement de demain.
La cuisine française au Japon
Les produits français ont la réputation d'être chers et inaccessibles pour la plupart. C'est pour cela qu'ils sont peu présents dans les rayons des commerces ou alors sous une forme modifiée en utilisant seulement le nom comme camembert qui est ici un tout petit fromage sans comparaison avec le camembert de Normandie. La cuisine italienne est jugée plus accessible comme les pizzas et les pâtes.
Le lavabo au-dessous du réservoir des WC
Sur beaucoup de toilettes japonaises, en tirant la chasse d'eau, l'eau du remplissage du réservoir passe d'abord par un petit lavabo ce qui permet de se laver les mains. L'évier peut être déporté pour être plus accessible. C'est une vraie bonne idée puisqu'elle permet des économies d'eau tout en étant simple au niveau technique.
Jour 34 : Temple 65 avec Joanne
Ce matin, Ossi est assis à la table du petit déjeuner. Il a l'habitude de s'arrêter dans mon hébergement. Comme j'ai réservé avant lui, je lui ai pris sa chambre et il a dû dormir ailleurs. Notre conversation porte sur les dimensions du chemin. L'effort dans la marche permet d'accéder à des méditations plus intenses. En 2002, il a écrit le livre Eine pilgerreize zu den 88 temples of Shikoku. Le livre tient la vedette sur un rayonnage de la salle à manger. Il raconte son premier pèlerinage bien documenté et est illustré avec beaucoup de photos qui me parlent.
Ossi est donc habitué à enchaîner des marches de 45 km. Mais hier, il était épuisé de sa marche le long d'une route au milieu de la ville. Venant du Tyrol, il préfère marcher dans la montagne.
Ossi et Kariya-san enfilent leurs chaussures à 7 h pour 35 km de marche passant par les difficiles temples 65 et 66. Joanne et moi partons sur leurs traces, mais avec une ambition ramenée à l'état de notre potentiel sportif et aujourd'hui c'est 15 km. Nos tendons d'Achille demandent de la modération. Joanne égaie le chemin avec sa bonne humeur. Elle chante avec moi et en chinois. Nous nous arrêtons à 10 h au temple 65 perché sur les hauteurs. De vieux arbres tout noués sont entretenus avec amour et les espaces verts sont bichonnés. Un bouddha se fait caresser la tête par tous les pèlerins. Pour rejoindre l'hébergement d'Ossi, nous prenons le train et entrons dans la préfecture de Kagawa symbolisant le Nirvana.
Le soir, le saké et la bière sont sur la table de l'hébergement Fujikawa. La journée s'est bien passée sans chute, ni blessure avec une météo parfaite pour la marche, frais, couvert, pas de vent et pas de pluie.
Demain, Ossi et Kariya-san continuent de filer dans le Nirvana, Joanne et moi attaquons le T 66, l'Everest du circuit de Shikoku. Le froid, la pluie et le vent s'invitant aussi, nous avons prévu de monter en téléphérique et redescendre à pied. Dans un dernier effort sur mon tour des 88 temples, je pourrais m'arrêter aux temples 67, 68 et 69 qui sont sur le chemin de retour. Ces deux derniers regardent ensemble la mer amoureusement.
Jour 35 : Toujours plus haut
Nous sommes réveillés par le vent qui fait bouger les fenêtres et les ardoises. La pluie et le froid nous transpercent quand nous marchons quelques kms vers le téléphérique. Ballotté, celui-ci s'enfonce dans un nuage et nous propulse jusqu'au temple 66 et me rappelle ce message du chant millénaire des pèlerins de Compostelle
E sus eia
Qui veut dire toujours plus haut. Quand nous débarquons au sommet, la neige tapisse le paysage et un thermomètre affiche -2 degrés C. Amos et Carol nous accompagnent. Ils viennent de Singapour avec leurs vélos. Aujourd'hui, nous les initions à la vie pèlerine. Pour commencer, se laver les mains se complique avec le gel. Je suis le rituel habituel avec un sentiment d'aboutissement de ce voyage. Nous passons encore en revue les centaines de sculptures de personnages à taille humaine qui font la spécificité de ce temple. L'hostilité de la météo nous chasse et nous force à redescendre avec le téléphérique.
Une soupe aux nouilles nous réchauffe et un taxi nous emmène jusqu'à Takaya, un point de vue surplombant de 400 m la mer. Elle se dévoile le temps de prendre quelques photos, en particulier avec Joanne avec qui j'ai partagé les trois dernières semaines de vie pèlerine dans un enchantement permanent avec un même rythme et une solidarité dans la recherche de solutions dans les difficultés. Elle poursuit pendant une semaine pour terminer au temple 88. En redescendant, nous nous arrêtons encore aux temples 68 et 69. Ils sont jumelés, partagent la même entrée et un seul préposé complète ma collection de tampons de cette année. J'essaie de me persuader du bien-fondé de mon interruption, mais mon départ demain me laisse un goût d'inachevé.
Le retour
Le jeudi 21 mars, Joanne et moi quittons l'hébergement en direction de la gare avec le soleil. Je la charge de la mission de financer une tuile d'un temple avec le message 'e sus eia', toujours plus haut. Elle prend un bus pour aller au temple 72, le premier de son programme du jour. Après l'accolade, je continue de la saluer des bras jusqu'à ce que le bus disparaisse. Elle a encore quelques jours pour arriver au temple 88, puis elle retrouvera son mari et ses grands enfants à Sydney. Je prends une succession de 3 trains qui m'emportent à l'aéroport d'Osaka, puis 2 avions et 2 trains pour arriver chez moi. Cette séparation marque la fin de ma période de Henro. Ma toge blanche est rangée dans mon sac. Je ne suis plus qu'un voyageur qui rentre chez lui.
Mais dans ma tête, tout continue. Drapé de ma toge blanche, je repasse la porte d'un nouveau temple par la gauche après une salutation, je me lave les mains, je sonne la cloche, je me dirige vers le Hondō, je laisse Joanne allumer une bougie et des bâtons d'encens, je monte les marches, je salue, je dépose mon étiquette de remerciements et des pièces de monnaie, j'accompagne Joanne dans la récitation des soûtras parfois avec le rythme d'une clochette, je salue à nouveau. Je répète le rituel devant le Daichidō. Au bureau, quatre tampons et le dessin d'un message viennent se rajouter sur une nouvelle page de mon livre. Le rituel terminé, c'est le moment d'apprécier le site, les jardins avec les grands arbres, les bassins où évoluent les poissons koï et de prendre des photos souvenirs. En partant par le côté gauche de la porte, se retourner et saluer.
Sorti, il faut trouver les flèches pour marcher vers le temple suivant, le restaurant ou l'hébergement. Là, s'enregistrer, prendre possession des lieux, le thé, la douche et le bain, partager le repas, écrire, déplier la literie et dormir.
Le livre du Henro contient les informations pour trouver les hébergements. Je n'ai pas voulu réserver trop à l'avance pour pouvoir les choisir en fonction de mon rythme et des informations glanées auprès des hébergeurs et des autres pèlerins. Mes incontournables, les hébergements dans les temples qui permettent de participer aux prières matinales et de les voir de l'intérieur avec les personnes qui l'animent. Comme il n'est pas possible de réserver directement avec les cartes SIM data, il faut trouver un Japonais qui accepte de téléphoner pour soi.
Suivre un chemin et en particulier celui-ci, c'est accepter d'abandonner ses habitudes et ses réserves. Retrouver le naturel, la spontanéité et la joie de vivre de l'enfant qui sommeille en nous, ne pas se soucier du qu'en dira ton. Yuso à 80 ans fait des pitreries de potache. Chanter dans les tunnels. Marcher avec des clochettes. Se laver et se baigner tout nu à côté d'étrangers.
Les lectures de présentation du Japon m'ont aidé à m'insérer dans cette culture si différente de la nôtre. Pour parler de soi, on pointe son nez. Mais on ne montre pas les autres du doigt. En faisant un rond avec sa main, c'est ok.
J'aurais dû apprendre un peu de vocabulaire avant de partir. Le japonais semble tellement difficile que j'ai renoncé avant de commencer. Les Japonais ne parlent pas souvent l'anglais. Les échanges deviennent facilement des dialogues de sourds.
Parfois, on me dit qu'on revient changé. Certes, beaucoup de choses se sont passées. Probablement que la valeur que je ressens le plus, c'est la tolérance pour accepter les différences de penser et de point de vue. Le bouddhisme est une religion bien vivante et pleine de sagesse qui rayonne dans la vie de tous les jours et qui intègre cette tolérance et accepte les différences.